Où est la beauté de l'humanité ?
« Où est la beauté de l’humanité ? » C’est la question que Benjamin et moi avons eu envie de poser à la ronde dès notre toute première séance de recherche en vue d'un nouveau spectacle. Dans le contexte actuel, notre question prend une toute nouvelle dimension.
Avant de s’intituler La beauté de l’humanité, notre spectacle a d’abord eu comme nom de code "Beautiful Humanity", en référence au discours du dictateur à la fin du film de Charlie Chaplin. Le point de départ serait l’urgence climatique, le point d’arrivée la beauté de l’humanité. Ce serait comme ça. Et nous avions envie d'impliquer le public plus profondément que par de simples interactions lors des représentations. Alors lancer une question. Et voir ce que nous pourrions faire avec les réponses récoltées.
Telle est la question
Quelle question ? Comment la formuler ? Cette question, nous la voulions tout à la fois claire, poétique, large, précise, ouverte, percutante, désarçonnante, et pourquoi pas même un peu what the fuck ? Aux détours d’une grande tempête dans nos cerveaux, voilà qu’elle est soudain tombée, sûre d'elle « Où est la beauté de l’humanité ? ». Où ?
Nous l’avons immédiatement divulguée et avons laissé la possibilité au quidam de nous envoyer une missive électronique. Un formulaire-réponse est d'ailleurs toujours en ligne et actif : www
Pour être honnêtes, les réponses n’ont pas afflué et l’écrit induisait un sérieux un brin décevant. Bon... Ainsi va la recherche, n’est-ce pas ?
Recueil de parole
Or un jour, alors que nous étions encore en phase de début de création de notre « beauté de l’humanité » (le français étant désormais retenu pour le titre) et que nous participions à un événement sans rapport avec ce spectacle, une association, Radio RapTZ pour ne pas la nommer, cherchait une question à poser dans la rue lors d’une action de recueil de parole radiophonique. Nous avons proposé notre question et hop, «où est la beauté de l’humanité ?» fut la question-phare de l’événement, en l'occurrence une rue aux enfants organisée par l’association Home Sweet Mômes à la Goutte d’Or à Paris en avril 2022. Réponses enregistrées puis synthétisées par écrit sur du beau papier, et affichées sur le lieu de la fête. Chouette ! Raptz a renouvelé l’action lors des journées du climat et de la terre à Paris, toujours en avril 2022.
Nous avons nous-mêmes commencé à poser notre question lors de nos sorties de résidences puis nos représentations, récoltant des petits papiers auto-gérés par les spectateurs et les affichant lors des sessions suivantes. C’est joli, c’est fun, c’est tranquillement participatif, ça introduit en douceur à la représentation. On adore.
Une nouvelle résonnance
Et puis samedi dernier, 1er juillet 2023, en préambule à une représentation à venir et dans le cadre de la fête des 1001 cultures organisée par cette même Régie de Quartier dans ce même jardin du Ver Têtu, nous avions prévu une action de récolte de parole autour de notre fameuse question, avec nous-mêmes à l’enregistreur, à l’affichage, à l’échange. Or voici que Nahel est assassiné, et voici que la France s’enflamme. Notre question perd soudain de sa fausse candeur philosophique. La fête a lieu, tranquille et détendue. Tant mieux. Nous sommes en plein cœur de la Cité Michelet, à Paris 19ème... Nous investissons un bosquet où suspendre notre récolte. Avec nos t-shirts auto-étiquetés « la beauté de l’humanité », notre cravate et notre nœud de papillon, nous sommes un peu dans nos petits souliers avec notre question et le parfum d’émeute ambiant.
Mais alors plus besoin de tergiverser, plus personne ne tourne autour du pot, nul ne songe à botter en touche « je ne sais pas, je vais réfléchir ». Au contraire, les réponses sont immédiates, tranchantes : « moi je vais vous dire ce que c’est que la beauté de l’humanité. C’est vivre ensemble, s’entraider » « c’est la mixité » « elle est là, dans cette fête, dans ce jardin » « la beauté est dans la bonté ».
Mention spéciale à ces trois petits jeunes assis sur un banc, nonchalants, l’air d’avoir l’habitude d’être ignorés. « Je peux vous poser une question. Pour un spectacle qu’on va jouer mardi. Il n’y a pas de bonne ou mauvaise réponse, vous pouvez dire ce que vous voulez. Où est la beauté de l’humanité ? » Ils réfléchissent longtemps et répondent l’un après l’autre, tranquillement « dans notre corps / dans notre cœur / dans la nature / dans la mer / dans nos familles / dans la nature. Voilà.». OK. Merci. La jeunesse des quartiers sait parler, sait penser, n'a même pas besoin de s'interroger sur "c'est quoi l'humanité ?". Pour ma part, je dirais que j’ai trouvé la beauté de l’humanité dans des têtes à capuche sur un banc dans le jardin du Ver Têtu samedi dernier.
Catherine Richon
Notre « récolte » sera à nouveau à découvrir lors de notre représentation mardi prochain.
La beauté de l'humanité
Clownerie pré-apocalyptique à base d'urgence climatique
de et par le duo DON'T FEED THE CAT (Benjamin Balthazar Lebigre & Catherine Richon)
Mardi 4 juillet à 17 heures
Jardin du Ver Têtu, 10 rue Colette Magny, Paris 19ème
Gratuit
Une représentation organisée par la Régie de Quartier du 19ème et soutenue par le Ministère de la Ville (Quartiers d'été).
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