Version augmentée

Et un jour, nous inventâmes les versions augmentées de nos spectacles. Versions augmentées mais versions augmentées low-tech, cela va d’autant plus de soi pour notre clownerie pré-apocalyptique à base d’urgence climatique. Ici point de machines, point de technologie sophistiquée fonctionnant à l’électricité. Nos versions augmentées fonctionnent à l’énergie humaine, énergie de l’espoir, espoir qu’un moment de jeu partagé pourra sauver un peu le monde - au moins pour un moment.

Avec « La beauté de l’humanité », pièce à la frontière du théâtre, de la danse, de la performance et du clown, Benjamin Balthazar Lebigre et moi-même, Catherine Richon, cherchons à incarner le tragique de la situation écologique actuelle en prenant le parti de croire en la force de l'élan commun et de la joie. C’est précisément cette joie, joie d’être ensemble, de jouer, de s’amuser, de rigoler, d’exulter, de créer à plusieurs, que nous poussons d’un cran supplémentaire dans la version augmentée de la pièce.

Mais alors, concrètement, qu’est-ce que c’est une version « augmentée » ? Comment ça fonctionne ?

Tout d’abord, il y a une occasion, une volonté d’habiter un lieu, un espace, un temps. Il y a le désir de rencontrer des gens, des habitant.e.s, de faire rêver les enfants et de réveiller les plus grands.

Il y aussi un accord avec des partenaires, facilitateurs, créateurs de liens, soutiens. On décide du meilleur jour et du meilleur horaire pour une représentation et on organise des moments de préparation et de répétition.

Au jour dit, nous arrivons sur place. Petite équipe bigarrée. Nous accrochons notre étendard peint à la main « la beauté de l’humanité ». Nous posons quelques panneaux expliquant notre démarche : « atelier gratuit ! », « venez jouer avec nous !». Nous mettons de la musique, nous commençons à bouger – mouvements burlesques en chœur.

Nous nous émouvons, vous vous émouvez

Et nous avisons les passant.e.s : nous expliquons plus ou moins brièvement qui nous sommes et ce que nous proposons. Nous proposons de jouer avec nous, pendant tout le temps de notre présence, aujourd’hui, demain et l’autre jour, pendant le spectacle à venir, ou simplement pendant quelques minutes. Nous devons avouer que depuis que nous tentons ces initiatives dans l’espace public, nous demeurons toujours émerveillés de constater que oui, il existe des personnes prêtes à saisir immédiatement notre proposition ! La consigne est simple : faites comme nous ! Nous courons, vous courez. Nous crions, vous criez. Nous rions, vous riez. Nous nous émouvons, vous vous émouvez. C'est beau.

Deux éditions pour l'été

En ce mois de juillet 2024 que l’on craignait caniculaire et qui fut finalement presque gris, nous eûmes le plaisir, le bonheur, l’honneur, de mener deux versions augmentées de La beauté de l’humanité.

Du 26 juin au 3 juillet, nous nous sommes posés sur la dalle du Chemin Vert, à Bobigny. Vaste dalle au cœur d’une cité magnifique. Oui oui, magnifique. Notre optimisme à toute épreuve nous pousse à apprécier le potentiel scénographique des cités-dortoirs de la fin du 20ème siècle.

La jeunesse qui occupe habituellement l’espace a accepté notre présence et, nous le savons parce qu’elle nous l’a dit, a même apprécié nos facéties corporelles et colorées. Des mamans et leurs enfants, des groupes de filles, des dames toutes seules, des familles entières : nous avons été très émus de tant d’instants de grâce, ravis du très bon accueil que nous avons reçus de la part des habitant.e.s.

L’enchantement vous guette, au Chemin Vert !

Bobigny et Paris 19è

Du 12 au 16 juillet, c’est l’esplanade Rosa Parks, à Paris 19ème que nous avons occupée. Autre place autre ambiance. Ici, la foule se presse du tram au RER, du RER au tram et chacun tente d’éviter au maximum les sollicitations d’associations caritatives diverses. Aussi, nous avons rapidement fait démarrer notre discours d’accroche par « nous ne vendons rien » et au deuxième jour, nous avons ajouté à notre installation une grosse pancarte « THÉÂTRE » dont l’effet rassurant s’est fait immédiatement sentir. Il s’est agit de débusquer parmi tous ces gens pressés ceux et celles qui n’auraient rien contre une petite échappée inattendue.

Quotidien bousculé, quotidien magnifié

Le monde appelant le monde et le mouvement appelant l’attention générale, les rencontres et la participation ont pu surgir. Un père et ses filles, un père et son fils, deux dames qui ne parlaient pas français, une jeune ado incroyablement forte à plonger immédiatement au cœur de nos scènes, un monsieur embarqué par notre musique, des enfants, des enfants, petits et grands… Nombreuses sont les personnes qui sont venues nous dire combien elles appréciaient de voir cette place vivre un peu plus. Rares furent les grincheux. Et nous-mêmes, habitant.e.s du quartier, avons goûté le plaisir si vif de danser librement au milieu de cette esplanade que nous traversons habituellement très vite.

Théâtre instantané

L’idée des ateliers de préparation dans le futur espace de jeu est de former un groupe de personnes à l’art du chœur burlesque et des inviter à venir nous rejoindre le jour de la représentation.

Nous savons depuis que nous pratiquons cette forme de théâtre participatif que, pour mille raisons, seulement un petit nombre de personnes ayant assisté pour une durée plus au moins longue aux ateliers rejoindra finalement le chœur le jour de la représentation. Nous acceptons toutes les personnes qui souhaitent se joindre à nous le jour venu, et même, nous continuons de solliciter les passant.e.s jusqu’à la dernière minute : « souhaitez-vous jouez avec nous ? C’est facile, on vous maquille, on vous costume, vous faites comme Lucille – qui sera notre coryphée. Ça va durer 50 minutes. C'est gratuit... ».

Le 5 juillet sur la place de la mairie de Bobigny et le 17 juillet sur l’esplanade Rosa Parks, nous nous sommes donc élancés vers de nouvelles traversées augmentées de notre Beauté de l’humanité. Mini-briefing avant le démarrage et hop, nous voici lancés dans une représentation augmentée, magnifiée par ce chœur éphémère qui découvre le spectacle tandis qu’il y a participe. Du théâtre instantané à réactions authentiques garanties.

Nous avons beau avoir construit tout ça précisément pour ça, la magie du moment vécu pleinement, la force du groupe, le jeu partagé, la beauté de la diversité nous surprennent et nous ravissent toujours autant. Puissant, assurément.

La beauté de l’humanité, version augmentée

Clownerie pré-apocalyptique à base d’urgence climatique

De Benjamin Balthazar Lebigre et Catherine Richon, alias le duo DON’T FEED THE CAT

Avec Lucille Cazenave, Annabelle Croze, Benjamin Balthazar Lebigre, Laura Moretti, Ondine Policand et Catherine Richon

Vendredi 5 juillet, place Yasser Arafat et Yitzhak Rabin, Bobigny, dans le cadre de l'événement Voilà l'été. Un projet mené grâce au soutien de Seine-Saint-Denis-Habitat et en partenariat avec Est Ensemble Habitat.

Mercredi 17 juillet, esplanade Rosa Parks, Paris 19è. Projet mené avec le soutien de la Préfecture de Paris et de la Ville de Paris et en partenariat avec La régie de Quartier Paris 19, Le CS Rosa Parks et l’EBO Emile & Rosa.

Photos Rosa Parks © Karin Crona